▬ QUALITÉS : Empathique - Artiste - Intelligente
▬ DÉFAUTS : Chétive - Mentalement instable - Très renfermée
▬ COULEUR DE CHEVEUX : (cochez) [] Blond [] Châtains clairs [X] Châtains foncés [] Bruns [] Coloration [] Autre
∟ Si autre, expliquez : ÉCRIRE ICI
▬ LONGUEUR DE CHEVEUX : (cochez) [] Courts [X] Mi-Longs [] Longs
▬ TYPE DE CHEVEUX : (cochez) [] Bouclés [X] Ondulés [] Lisses [] Crépus [] Perruque
▬ YEUX : (cochez) [X] Bleus [] Gris [] Verts [] Marrons [] Lentille de contact colorées [] Autre
∟ Si autre, expliquez : ÉCRIRE ICI
▬ TAILLE :(cochez) [] Très petite [X] Petite [] Moyenne [] Grande [] Très grande
▬ CORPULENCE : (cochez) [] Équilibrée [] Menue [] Mince [X] Maigre [] Grosse [] Élancée [] Musclée [] Costaud [] Autre
∟ Si autre, expliquez : ÉCRIRE ICI
▬ VÊTEMENTS : Elle est le plus souvent vêtue d’un pull léger bleu marine qui lui descend jusqu’en dessous du bassin, passé par dessus un débardeur noir. En dessous, elle porte un pantalon de toile beige et des bottes longues en cuir brun. Une cape à capuchon revêt l’ensemble, noire à l’intérieur, rouge à l’extérieur. Enfin, elle porte toujours sur la tête une casquette russe surmontée de lunettes d’aviateurs. Parfois, une ceinture vient entourer sa taille pour tenir sa sacoche.
▬ PÈRE / MÈRE : Le père de Cory, Gregory Rozanov, était un homme honnête et un peu bourru originaire de Russie qui avait à coeur de protéger sa famille. S’il n’a pas beaucoup montré d’amour à ses deux filles, il aurait fait n’importe quoi pour elles et pour sa femme. Il aurait aimé voir ses enfants grandir et devenir de bons citoyens, mais la vie est ainsi faite et Gregory mourut à 37 ans, victime du virus DC-01.
La mère de la fillette, Ileana Lavande, était une femme belle et aimante d’origine française. De ses ancêtres transylvaniens, elle possédait un caractère de combattante qui l’a poussé à élever ses deux filles pour qu’elles puissent se débrouiller dans ce monde devenu fou. Bien lui en prit, car lorsque le virus DC-01 la contamina, Cory trouva la force de la tuer pour protéger sa soeur.
▬ FRÈRE(S) / SŒUR(S) : Cory avait une soeur jumelle , Iris, avec qui elle possédait une grande complicité propre aux enfants d’une même portée. C’est à la mort de cette dernière que Cory est devenue aussi renfermée et mentalement instable. Cory semble persuadée qu’Iris l’accompagne toujours et continu à lui parler comme si elle se trouvait dans les parages.
▬ ANIMAL DE COMPAGNIE : Non
▬ LIEU DE RÉSIDENCE ACTUEL : Réserve Ölokoges
▬ FORTUNE : (cochez) [] Riche [] Plutôt riche [] Normal [] Plutôt pauvre [X] Pauvre
▬ HISTOIRE :
“Eh Cory, tu as peur du noir ? “
L’humain a du mal à apprendre de ses erreurs.
Et même lorsque sa haine les détruisent lui et son monde, ses membres continus de trouver d’autres moyens de s’entre-déchirer. Car la haine ne s’en va jamais.
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Eric Forin essuya énergiquement ses lunettes pour la troisième fois au moins depuis trente minutes. Tout en les remettant sur son nez il se fit la réflexion que lui même devrait peut être consulter un jour pour soigner ce toc. Pour un psychologue c’était un comble.
À vrai dire, il avait toujours eu ce toc lorsqu’il était irrité ou qu’il réfléchissait à un problème particulièrement épineux. Or, le cas qui allait se présenter à lui d’ici quelques minutes était un véritable cactus.
Aujourd’hui, comme tous les premiers jeudi du mois, il avait rendez-vous avec la petite Corydalis Rosanov. Et pour un cas difficile c’était un cas difficile. Depuis presque deux ans qu’il la voyait à présent il avait l’impression de tourner en rond avec cette enfant. Elle ne lui parlait quasiment pas, et certainement pas de son passé et passait les séances à hocher la tête ou à hausser les épaules. Un véritable casse tête cette fillette. Évidement Eric se doutait après ce qu’il avait appris sur son passé qu’elle avait de quoi être traumatisée. La diagnostiquer n’avait d’ailleurs pas été très compliqué : dégâts mentaux post-traumatiques générant une légère bipolarité et un état avancé de schizophrénie. Mais quant à la soigner et la faire sortir de la brume qui la fermait au monde, c’était une autre paire de manche.
Enfin, les Ölokoges semblaient tenir à ces séances et avaient réglé d’avance. Alors autant faire le travail du mieux qu’il pouvait.
On toqua soudain à la porte par petits coups légers, le tirant de ses réflexions.
“ Entre Corydalis. “
La porte s’ouvrit et une fille qui devait avoir environ 12 ans, plutôt petite pour son âge, entra. Elle avait des cheveux châtains bouclés et portait sur la tête une casquette semblable à celle d’un cheminot, verte et pourvue d’une étoile rouge, le tout surmonté d’une pair de lunettes d’aviateur.
Comme si elle connaissait par coeur la procédure, la fillette s’avança jusqu’au bureau et s’assit dans le fauteuil qui se trouvait en face d’ Eric sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit.
“ Alors, comment vas tu aujourd’hui ? “
Comme l’avait prédit le psychologue, la fille haussa les épaules pour toute réponse.
Soupirant de lassitude, l’homme essuya ses lunettes avant de les remettre sur son nez et reprit :
“ Ça se passe toujours bien chez les Ölokoges ? On m’a dit que tu faisais beaucoup de progrès en science et botanique. “
Corydalis hocha la tête toujours sans rien dire. Eric s’enfonça dans son siège, se préparant à une nouvelle séance sans trop de résultat.
De son coté, la fillette était aussi lassée que le docteur. Depuis deux ans maintenant on l’obligeait à vivre ces séances. Mais en avait elle vraiment besoin ? Tout ce que le psychologue se contentait de faire c’était lui poser des questions et de temps à autre lui faire faire une activité sensée “l’aider à s’ouvrir” celons les propres mots de l’homme aux lunettes. Cory n’en voyait vraiment pas l’utilité.
Elle connaissait son passé. Alors pourquoi l’obliger à en reparler à ce docteur ?
Elle le revivait assez elle même.
Toutes les nuits, lorsqu’elle tentait de dormir, lorsqu’elle fermait les yeux.
Elle revivait chaque moment comme si elle y était...
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La naissance de Corydalis et Iris aurait dû être une source de joie pour ses parents. Mais dans ce troisième millénaire, quel avenir pouvaient bien avoir deux jeunes enfants issus de famille pauvre et sans logement ?
Iris fut la première à venir au monde. Son cri résonna aussitôt, plein de vie et de défi adressé au monde. Ses parents la trouvèrent si belle et déjà épanouie qu’il la baptisèrent Iris.
Puis quelques secondes plus tard, Corydalis la suivi. Elle ne pleurait pas, bougeait à peine et ce n’est qu’après deux minutes d’efforts que son père parvint à lui extirper son premier cri qui empli ses poumons de l’air de la vie. Elle était si chétive, si faible. L’homme lui prédit avec tristesse peu de chance de survit. Mais sa mère, encore épuisée de l’accouchement et serrant sa première née dans ses bras lui répliqua sèchement :
“ C’est une Războinic ! Une guerrière comme toutes les femmes de sa famille ! Elle survivra à ce monde, j’en fait le serment ! ”
Sur ces paroles, Gregory n’osa rien ajouter et posa la petite chétive sur le torse de sa mère à coté de sa soeur jumelle. La femme lui caressa le dos et murmura dans un souffle :
“ Bienvenue ma deuxième petite fleur, ma petite Corydalis. “
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Iris et Corydalis étaient nés dans les rues du nouveau Paris, et cela ne pouvait signifier que la mort pour elle dans ce monde devenu fou. Mais la venue au monde de ses deux petites merveilles avait convaincu Gregory de sortir à tout prix sa famille de la dure condition de sans-abri. Chose peu aisée, car sa nationalité russe n'était pas très appréciée des habitants et aucun employeur ne désirait donner de travail à un sans-abri.
Deux ans passèrent sans que l’homme ne parvienne à offrir un vrai abri à sa femme et ses deux filles. Sa crainte pour leur vie se trouva redoublée le jour où, alors que la famille cherchait à manger dans les bâtiments abandonnés des Bas-fonds, un groupe de contaminés les prit en chasse. Traqués, ils durent se réfugier dans les égouts de la ville pour fuir les cannibales affamés. Corydalis vit avec sa terreur d’enfant les créatures les poursuivre avec une rage et un acharnement effrayants durant de longues minutes. Cette épreuve eut deux conséquences : la fillette développa sa phobie du noir ainsi qu’une certaine appréhension des endroits exigus ; et Gregory Rozanov décida que leur situation ne pouvait perdurer plus longtemps.
Le père de famille se tourna alors vers des solutions plus radicales et extrêmes. Il fit affaire avec un homme qui lui offrit également un petit logement pour lui et sa famille en échange de certains accords. Gregory obtint ainsi un travail de mécanicien-réparateur, peu payé, mais suffisamment pour pouvoir manger.
Celons les termes de l'accord, la famille devait fournir en échange durant sept ans une partie de leurs revenus à leur “bienfaiteur”. Évidement, comme beaucoup de ces “arrangements”, c’était un accord malhonnête destiné à enrichir une organisation criminelle qui sévissait dans les quartiers pauvres. Mais Gregory s’en moquait, sa famille était en vie et en lieu sûr, où elle avait à présent une chance de survie, c’est tout ce qui comptait pour lui.
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Le temps passa, faisant grandir Iris et Corydalis. Avec l'âge, et bien que sur le plan physique elles se ressemblent presque comme deux gouttes d’eaux, les deux fillettes développèrent des caractères bien différents.
Iris était une enfant active et forte de caractère qui aimait courir et jouer les casse-cou, ne se laissant jamais marcher sur les pieds. Le portrait craché de son père qu’elle accompagnait pour de nombreuses tâches.
Corydalis, elle, se montrait bien plus discrète et calme, préférant rêvasser et assouvir sa curiosité sur tout ce qui l’entourait. Elle savait beaucoup moins se défendre verbalement que sa soeur et cela lui posait des problèmes lorsque les autres enfants s’en prenaient à elle, usant de moqueries et de provocations. Ayant gardé sa carrure chétive et peu enclin à la réplique, Corydalis ne devait compter dans ces moments là que sur l’intervention de sa soeur ou sur sa capacité à s’enfermer dans son imagination pour échapper aux insultes.
Car oui, si la famille était parvenue à ne pas attirer l’attention des autorités, ce n’était pas le cas des habitants de leur rue. Beaucoup savaient qu’ils étaient d’anciens sans-abri sans papiers et d’origine étrangère de surcroît. Cela attirait sur eux la méfiance et parfois le mépris du voisinage. Et si les adultes parvenaient à se contenir, se contentant de se répandre en ragots et messes basses, ce n’était pas le cas de leurs enfants.
Ainsi, Iris et particulièrement Corydalis se faisaient régulièrement insulter de “bolchéviques”, “sales étrangères” et “clodos”. Des insultes qu’elles ne comprenaient pas toujours mais auxquelles Iris répondait par des répliques cinglantes ou des coups et Corydalis par le silence et l’ignorance.
A cause de cela et par sa tendance à tout subir sans savoir répondre, Cory n’eut pas d’ami de son âge dans son enfance et passa la plupart de son temps avec sa soeur jumelle qui la traînait dans tous ses jeux à travers la ville, lorsqu’elle n’aidait pas son père dans son travail de mécanicien. Dans les moments où sa soeur la laissait seule, Corydalis passait le plus clair de son temps avec sa mère ou à monter sur le toit des immeubles pour rêvasser et dessiner.
Ce fut d’ailleurs lors de l’une de ces journées que la fillette connu sa première expérience éprouvante, et rencontra la mort pour la première fois.
Ce jour là, alors qu’elle griffonnait depuis une heure dans un carnet assise sur un banc sur le toit de son immeuble ‒ elle avait toujours été douée pour dessiner ‒ un groupe de gamins du coins la rejoignirent et commencèrent à la chahuter. D’abord par des railleries et des moqueries puis, voyant que ce n’était pas aussi efficace qu’ils l’auraient voulu, par des gestes violents. Pendant plusieurs minutes ils s’amusèrent à la pousser et à se lancer son carnet de dessin pour la voir tenter vainement de l’attraper. Finalement, l’un d’eux lui fit un croche-patte, qui la fit tomber à plat ventre. Retenant ses larmes, Cory tenta de se relever mais les autres la poussèrent en riant pour qu’elle n’y parvienne pas. C’est à ce moment que Iris débarqua, bondissant en criant sur les assaillants pour venir au secours de sa jumelle. Presque tous prirent leurs jambes à leurs cous, peu enclin à livrer un affrontement avec l'aînée des Rosanov connue pour son talents à donner des coups. Seul l’un d’eux, un grand gaillard plus âgé que ses comparses, ne bougea pas. Iris et lui se lancèrent dans une véritable tornade de coups de pieds et de poings. Plus grand, l’adversaire prit peu à peu le dessus sur la furie et fini par l’immobiliser, un bras dans le dos en ricanant et raillant. Voyant pour la première fois sa soeur en position de faiblesse Corydalis écarquilla les yeux. Quelque chose se passa en elle : sa soeur était en danger, elle devait l’aider ! Alors elle se leva d’un bond et fonça droit sur le garçon costaud. Surpris, celui ci n’eut pas le réflexe d’esquiver et lorsque la fillette lui rentra dedans en y mettant tout son poids, il recula vivement en arrière en vacillant jusqu’au bord du toit. Ses jambes rencontrèrent alors le muret, il perdit l’équilibre et chuta dans un cri. Cory regarda avec effroi son adversaire tomber du haut du toit et son coeur se figea lorsque quelques secondes plus tard elle entendit un craquement lointain et étouffé indiquant qu’il avait touché le sol.
Le silence revint sur le toit et Cory se laissa tomber à terre, les yeux écarquillés d’horreur. Ce furent les bras de sa soeur autour de ses épaules qui la ramenèrent à la réalité.
“ Ça va aller Cory. Ça va aller. Je te protégerai. ”
La concernée éclata alors en sanglots, tremblant comme une feuille, alors que l’idée envahissait son esprit : elle venait de tuer quelqu’un.
La nouvelle de la mort du jeune Daniel fit grand bruit dans la rue. On interrogea les deux jumelles et les amis de la victime sur ce qu’il s’était passé. Ces derniers ne purent dire grand chose, étant partis avant l’incident et ne voulant avouer qu’ils étaient venus embêter à quatre une fillette seule. Iris donna une version de l’histoire qu’elle avait répété avec sa soeur : le garçon s’était amusé à marcher en équilibre sur le muret et avait perdu l’équilibre. Quant à Corydalis, elle était trop traumatisée pour parvenir à parler et les recommandations ultérieures de sa soeur lui firent garder le silence. On finit par suivre la version de l'aînée des Rozanov, mais l’incident avait attiré l’attention sur la famille qui fut traitée avec davantage de répulsion par les habitants du coin.
L’épisode convainquit aussi Gregory Rozanov d’apprendre à ses filles, et notamment à la seconde, à se défendre. Dès la semaine suivante, il emmena les jumelles dans un terrain vague abandonné non loin de leur immeuble. Là, il commença à leur enseigner les bases du combat au couteau et quelques mouvement de systema, un art martial russe qu’il avait apprit de son père, un ancien militaire.
Cory ne se montra pas une élève très talentueuse concernant le combat, mais ces cours et l’attention soudaine que lui témoignait son père eurent au moins pour effet de la sortir de l’état renfermée dans lequel la mort du jeune Daniel l’avait plongé.
Le calme revint peu à peu dans la rue et les enfants du coin cessèrent d’embêter Corydalis.
Mais les germes de la haine venaient d’être plantées…
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D’autres années s’écoulèrent.
La famille avait retrouvé une sorte de stabilité. Même s’ils vivaient dans la pauvreté, Gregory et Ileana parvenaient toujours grâce à leur travaille à ramener de quoi manger et leurs filles ne se plaignaient jamais.
En grandissant, Corydalis se découvrit un autre intérêt que le dessin : la lecture. Bien entendu, ses parents n’avaient pas les moyens de lui acheter des livres, mais la fillette trouvait toujours le moyen d’accéder à des bibliothèques ou aux quelques rares librairies où elle dévorait tout ce qui lui passait sous la main. Elle aimait particulièrement les livres de science et de botaniques qu’elle lisait avec passion. Elle développa bientôt dans ces deux domaines une culture rare pour une enfant de son âge.
La famille aurait pu vivre plutôt heureuse. Mais la vie reste cruelle et imprévisible dans un monde apocalyptique.
Un matin, Corydalis fut réveillée par des voix qui parlaient fort dans l’entrée de l’appartement. Intriguée, elle se leva et rejoignit Iris qui était déjà collée à la porte de la chambre pour écouter. Leur père était en train de se disputer avec un homme dont la voix leur rappelait vaguement quelque chose.
“ La dette est remboursée ! Vous n’avez plus rien à faire chez moi ! ”
“ Les tarifs ont augmenté Rosanov. Et n’oublies pas que ce n’est pas vraiment chez toi ici. Toi et ta famille êtes logés par notre bon vouloir. Sans nous vous seriez encore à vagabonder quelque part dans les bas-fonds avec ce qu’il resterait de ta famille. “
Corydalis jeta un regard inquiet à sa soeur.
“ On va devoir quitter l’appartement ? “ chuchota t-elle anxieuse.
“ Dis pas de bêtise Cory, papa ne laissera personne nous en chasser. “
En effet, le père de famille répliqua d’une voix furibonde :
“ Sortez ! Nous avons assez payé pour votre affaire malhonnête pour que cet appartement soit à nous ! Ne revenez plus ici ou je vous montrerai comment on chassait les intrus en Russie ! “
Il y eu un court silence, puis la porte d’entrée claqua. L’homme était parti. Iris se tourna vers sa soeur jumelle, un sourire carnassier sur les lèvres :
“ Tu vois je t’avais dit ! Si ce sale type remontre sa frimousse, papa lui cassera les dents ! “
Cory lui fit un petit sourire. Elle n’était pas aussi assurée que sa soeur. L’homme qui leur demandait de l’argent était sans doute celui qui leur avait autrefois trouvé un logement loin des bas-fonds et à qui leur père avait donné la moitié de ses revenus durant sept ans jusqu’à ce qu’il arrête un an auparavant. La fillette doutait qu’il en reste là.
Mais la semaine suivante, Corydalis oublia rapidement l’homme malhonnête. En effet, son anniversaire et celui de sa soeur approchaient à grands pas. Bon bien sûr leurs parents n’avaient jamais pu leur acheter de vrais cadeaux, mais ils s’arrangeaient toujours pour leur préparer une fête joyeuse et au final les jumelles attendaient ce jour de l’année avec autant d’impatience que n’importe quel enfant.
Et puis cette année, elles allaient avoir dix ans. Et comme leur avait expliqué leur mère, dans la famille, la première décennie était importante car c’était le jour où l’on transmettait un héritage au descendant et qu’on lui confiait ses premières responsabilités.
La soirée d’anniversaire fut enjouée. Ileana avait réussi à économiser pour leur acheter une part de gâteaux à chacune avec une jolie bougie dessus et Gregory avait sorti une vieille guitare qu’il avait trouvé en morceau et réparé. Ils passèrent la soirée à chanter des chansons accompagnées avec l’instrument et à rire aux plaisanteries d’Iris qui en avait toujours plein en réserve. Puis ce fut le tour des cadeaux. Corydalis avait réalisé un portrait plutôt réussie de sa soeur qu’elle avait mis dans un cadre fait main avec des chutes de morceaux de bois colorés. Mais son cadeau lui paru pourtant bien petit lorsqu’elle reçu ceux de ses parents et de sa soeur. Cette dernière lui avait dégoté une paire de lunettes d’aviateur en cuivre et cuir brun un peu usée mais magnifique. Iris refusa néanmoins de dire comment elle les avait dégoté.
Quant à son père et sa mère, ils leur offrirent le fameux morceau d’héritage de leurs familles respectives. Son père lui offrit une casquette russe qui portait une drôle d’étoile rouge sur le devant et qui avait appartenu d’après ses dires à son arrière grand oncle. A Iris il offrit un magnifique couteau à la lame d’argent gravée qu’il détenait de son père.
Ileana, elle, sourit puis tendit à ses filles les deux parties du collier qu’elle portait normalement toujours autour de son cou et qui se scindait en deux.
“ Voilà ce que m’a donné ma mère et ce que lui avait donné sa mère. Ce collier se passe de génération en génération dans ma famille, il représente notre solidarité et notre force d’esprit. Soyez fières de vous même mes petites fleurs, car vous le méritez. “
Corydalis fit tourner entre ses doigts le présent inestimable à ses yeux. Elle n’arrivait même plus à parler. Un tel cadeau… Elle n’en revenait pas. Sa partie du collier représentait un coeur stylisé dont l’intérieur était gravé d’une flamme tandis que celle de sa soeur avait la forme d’un oiseau aux ailes déployées qui semblait crier au ciel, les deux pouvant s’assembler l’une sur l’autre.
Elle retrouva soudain ses esprits et rejoignit en courant sa soeur qui serrait déjà sa mère dans ses bras en riant.
Ce fut le plus beau jour que Corydalis vécu dans sa vie et celui qu’elle n’oublia jamais.
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Quelques jours plus tard un remue-ménage agita la rue alors que les jumelles jouaient à se poursuivre non loin de là. Curieuses, elles s’approchèrent de l’attroupement d’habitants qui s’était formé. Comme d’habitude en les voyant, les gens leur jetèrent des regards méprisants et reniflèrent avec dédain, particulièrement en voyant la casquette qu’arborait fièrement Corydalis. Au milieu du regroupement se trouvaient six personnes à l’allure étrange dont un attaché et muselé. Ce dernier semblait enragé et s’agitait dans tout sens, fixant les personnes qui l’escortaient avec des yeux exorbités comme si rien ne lui aurait fait plus plaisir que de les déchiqueter.
Les cinq personnes qui tenaient ses liens portaient des vêtements peu communs et avaient tous sur eux des armes blanches ou à feu.
Corydalis les regarda, impressionnée par l’aura qu’ils dégageaient. Une femme en particulier attira son regard. Elle avait de beaux cheveux châtains brillants et portait deux revolvers attachés à sa ceinture. Elle était très belle et semblait sûre d’elle ce qui renforça la lueur d’admiration qu’eut la fillette dans le regard.
Le groupe inconnu était en train d’interroger les habitants de la rue qui semblaient peu enclin à répondre.
“ Nos témoins ont confirmé que le contaminé s’était introduit dans ce coin du quartier résidentiel. Il faut que le retrouvions avant qu’il y ai une victime. Si l’un d’entre vous possède des informations dessus qu’il nous les communique immédiatement. “ lançait l’un d’eux.
Des marmonnements méfiants et mécontents se firent entendre dans la foule. Ces personnes ne semblaient pas vraiment les bienvenues ici.
Alors qu’Iris et Corydalis tendaient l’oreille pour avoir plus d’informations sur ce qu’il se passait, deux mains se posèrent sur leurs épaules. C’était leur mère qui était venu les chercher et qui les exhorta à rentrer au plus vite.
“ Tu crois vraiment qu’il y a un contaminé dans le coin ? “ demanda Cory anxieuse le soir même à sa soeur.
Celle ci releva les yeux de son couteau qu’elle était en train d’entretenir.
“ ‘Sais pas. De toute façon c’est le problème des Wrist, c’est pour ça qu’ils sont là. “
Cory hocha doucement la tête, repensant au groupe d’hommes et de femmes impressionnants qu’elles avaient vu quelques heures plus tôt.
“ Je me demande comment ils ont capturé ce contaminé. “
“ Et depuis quand tu t’intéresses aux Wrist toi ? “ la taquina sa soeur avec un sourire.
“ Heu… Je ne m’intéresse pas particulièrement aux Wrist, j’étais juste curieuse… “
“ Bah, laisse les donc régler leurs affaires. Comme dit papa, ne te mêle de ce qui risque de t’attirer des ennuis. “
Cory haussa les épaules et replongea dans la lecture de son livre.
Cette nuit là, la fillette se réveilla en sursaut. Elle était certaine d’avoir entendu un bruit dans l’entrée. Un coup d’oeil dans la pièce lui indiqua que sa soeur et sa mère dormaient toujours à points fermés. Et que son père n’était pas encore rentré du travail.
Elle hésita. Avait elle rêvée ?
Finalement, elle décida d’en avoir le coeur net. Elle descendit de son lit et s’approcha de la porte de la chambre sur la pointe des pieds. Le salon-cuisine était plongé dans le noir. Pourtant, elle était presque sûre de voir quelque chose bouger dans l’obscurité. Avalant sa salive, elle se glissa doucement jusqu’à l’interrupteur de la pièce principale et l’actionna vivement. Là, de l’autre coté de la salle, appuyée contre la porte d’entrée se trouvait une jeune fille qui semblait mal en point. Elle tenait difficilement en équilibre et s'appuyait tant bien que mal à la porte, la tête tombante et la respiration sifflante. Un liquide rouge coulait de son bras. Comment avait elle ouvert ? Corydalis ne le savait pas, mais de la voir blessée la fit réagir, elle s’avança rapidement vers l’inconnue.
“ Vous allez bien ?... “
Pour toute réponse, la jeune fille releva la tête pour la regarder et Cory senti son sang se glacer. Le visage de l’intruse était dégoulinant de sang et ses yeux étaient blancs comme s’ils avaient été brûlés. Mais pire que tout, la partie gauche de son visage était à moitié arrachée, laissant les muscles de son visage à l’air libre.
Il y eut quelques secondes de flottement, puis avec un hurlement effrayant et inhumain, la créature se jeta sur la fillette. Corydalis bondit sur le coté pour l’éviter et se retrouva acculée dans un angle de mur. Elle retrouva alors sa voix et se mit à hurler à pleins poumons. Insensible à ses cris, son agresseur se retourna et s’avança vers elle, les bras levés pour l’attraper. Cory croisa les bras devant son visage dans un vain mouvement de protection. La créature bondit sur elle. Mais elle fut stoppée en plein vol par un objet de bois qui la frappa en plein ventre.
Corydalis vit alors sa mère redresser le manche à balais qu’elle tenait à deux main alors que l’intruse enragée se relevait en grondant.
“ Ne touche pas à ma fille cățea ! “
Soulagée, Cory sourit en voyant sa mère.
Mais son soulagement fut de courte durée. Car la créature se jeta sur Ileana avec une vitesse surprenante. Déstabilisée par cette soudaine célérité, la femme n’eut pas le temps de mettre toute sa force dans son attaque. Le balais frappa l’agresseur dans les côtes mais pas assez fort pour la repousser. L’intruse se rua sur Ileana, la faisant tomber à terre avec elle. Les deux femmes luttèrent mais finalement la jeune fille atteignit le bras de sa victime qu’elle mordit profondément. Le sang jaillit et tâcha la robe de chambre de la mère de famille.
Corydalis hurla de terreur et bondit à la rescousse de sa mère, rejointe par Iris qui était sortie en trombe de la chambre. Les jumelles luttèrent de toutes leurs forces pour tirer la créature en arrière et libérer leur mère mais en vain. La jeune fille semblait dotée d’une force hors du commun.
Soudain, un objet de métal entra dans leur champs de vision et frappa l’intruse en pleine tête. Il y eut un craquement sinistre et la créature s’effondra nette, le crâne brisé.
Les deux soeur levèrent les yeux vers leur père qui était enfin rentré et tenait une clé anglaise dans la main. Puis toute la famille s’activa autour de la mère blessée. La plaie qu’elle avait au bras n’était pas jolie à voir et saignait abondamment. Tout en compressant la blessure avec un chiffon, Gregory exhorta ses filles à aller chercher de l’aide. Les deux enfants s’exécutèrent et coururent dans le couloir frapper aux portes des voisins.
Mais elles eurent beau insister plusieurs minutes sur chaque porte, les voisins restèrent tous muets, ignorant les appels paniqués des fillettes.
Finalement, derrière l’une des portes, une voix leur répondit sur un ton méprisant et étrangement satisfait :
“ Allez au diable saletés de russes des bas-fonds ! Vous avez enfin ce que vous méritez ! ”
Comprenant alors avec effroi ce que cachait l’intrusion de la contaminée chez eux, les deux filles renoncèrent à demander de l’aide et retournèrent chez elles après qu’Iris ai crié un “ Idi nia houille mudak ! ” au voisin qui leur avait répondu.
Les jumelles revinrent dans leur appartement, abattues. Gregory avait allongé sa femme sur son lit et s’appliquait à soigner sa blessure du mieux qu’il pouvait. Ses filles lui racontèrent l'anecdote avec les voisins et l’homme poussa une série de jurons.
Il leur apprit que leur ancien “bienfaiteur” était venu le voir une fois de plus alors qu’il était au travail. Mais cette fois il avait prononcé des menaces directes et agressives avant de repartir aussitôt. Inquiet pour la sécurité de sa famille, Gregory était rentré au plus vite.
Cette nouvelle fit hérisser l’échine de Corydalis. Il ne s’agissait plus là de simples menaces d’expropriation, cet homme avait tenté de les tuer ! Et apparemment les autres habitants de l’immeuble étaient au courant.
Cette nuit, Cory réalisa à quel point les humains pouvaient se montrer cruels et sans compassion.
Durant les heures qui suivirent, le père et ses deux filles s’activèrent autour d’Ileana. La femme ne saignait plus et pourtant sa fièvre montait de minute en minute. Son teint devenait de plus en plus cireux et elle respirait plus fort à chaque seconde.
Corydalis était au bord de la panique. Sa mère allait elle mourir ? C’était impossible elle ne pouvait pas !
Au bout d’un temps qui leur paru interminable, la femme finit par s’endormir, la respiration sifflante. La situation semblant stabilisée, Gregory et les jumelles reprirent leur souffle.
Les heures passèrent. Le soleil s’était levé et tous attendaient avec anxiété. Corydalis finit par s’endormir, épuisée par toutes ces émotions. Ce fut sa soeur qui la réveilla en la secouant.
“ Cory, réveille toi ! Maman est réveillée ! “
La fillette sentit aussitôt toute sa fatigue s’évaporer et elle bondit sur ses pieds. Ileana avait effectivement ouvert les yeux et regardait son mari qui était penché sur elle l’air inquiet. Elle était pâle comme un linge et les cernes sous ses yeux paraissait immenses mais au moins elle était vivante. Les jumelles se précipitèrent au chevet de leur mère pendant que leur père se penchait sur elle et l’embrassait sur le front.
Tout alla très vite.
Soudain Ileana attrapa vivement son mari avec ses bras pour l’attirer à elle. Puis elle ouvrit la mâchoire et mordit sa gorge d’un mouvement rapide, arrachant d’un seul coup sa jugulaire. Gregory recula en se tenant la gorge, tentant vainement de retenir le flot de sang qui s’écoulait de sa blessure et se répandait sur le sol. Ses filles hurlèrent d’une même voix.
Alors que son mari s’écroulait contre un mur, Ileana se leva de son lit d’une démarche vacillante. Son regard se tourna vers les jumelles. Ses yeux étaient vides de toute expression et injectés de sang. Dans un grondement semblable à un râle elle leva les bras et se commença à s’approcher des fillettes. Corydalis resta figée d’horreur, incapable de croire à tout ce qu’il se passait. Iris l’attrapa alors par la main et l'entraîna en courant dans la pièce d’à coté avec l’intention de sortir le plus vite possible de l’appartement. Mais elle se stoppa alors net. Devant les jumelles, un homme qu’elles reconnurent tout de suite se tenait dans l’encadrement de la porte : le soi disant “bienfaiteur”. Ce dernier leur fit un sourire mauvais et claqua soudain la porte. Il y eut un cliquetis lorsque la clé tourna dans la serrure, prenant au piège les deux enfants. Iris se précipita et tambourina à la porte en hurlant.
Corydalis, elle, regarda avec une horreur béate leur mère sortir de la chambre, la bouche encore dégoulinante du sang de son mari et s’avancer vers elle, en émettant des sortes de râles effrayants.
“ Ma… man... “ parvint à marmonner la fillette alors que la créature qu’était devenue sa mère progressait dans sa direction.
Incapable de bouger, elle vit la femme s’approcher d’elle et attraper sa tête avec ses mains, la mâchoire s’ouvrant avec avidité. Iris entra alors dans son champ de vision, bondissant sur sa mère en criant pour lui faire lâcher prise. L’attaque eu l’effet escompté et la femme se concentra sur son aînée. Tout en luttant pour empêcher Ileana de la mordre Iris hurla à sa soeur :
“ Cory ! Arrête de dormir ! Va chercher quelque chose pour l’arrêter ! “
La voix de sa jumelle atteignit Corydalis comme un choc électrique. Elle couru de l’autre coté de la pièce et tourna la tête dans tous les sens, cherchant désespérément une arme ou un objet quelconque pour repousser sa mère. Son regard se posa alors sur le couteau d’Iris qui était posé sur un tabouret. Elle ne pouvait tout de même pas...
Non, c’était hors de question !
Mais le hurlement que poussa sa soeur lui enleva toute hésitation et toute répulsion. Elle attrapa le couteau et revint précipitamment vers l’affrontement. Elle vit alors sa mère mordre Iris à la main, lui arrachant un cri de douleur. La vision de sa soeur blessée fit naître en elle un profond sentiment de colère incontrôlable. Dans un hurlement, elle se jeta sur sa mère.
“ L CHE LA ! “
Elle bondit sur son dos, leva le couteau et se mit à frapper.
Une brume envahissait son esprit, ôtant l’ombre d’un instant toute notion de dégoût. Une seule idée dominait ce brouillard : protéger sa soeur.
Elle frappa, frappa, frappa. Le sang jaillissait sous ses yeux, inondant son pyjama mais elle continua à lever et baisser le couteau. Jusqu’à ce qu’enfin sa mère s’effondre par terre, parcourue de tics nerveux.
Corydalis respira à grandes bouffées, la bouche ouverte. Lorsque le voile qui embrumait ses pensées s’évapora, elle se sentit nauséeuse. Elle se pencha sur le coté et vomit sur le sol. L’horreur reprit enfin sa place dans son esprit et un torrent de larmes se mit à couler sur ses joues. Sa mère, ou ce qu’elle était devenue, tuée de sa main… La honte et le dégoût lui donnèrent de nouveaux haut-le-corps et elle se retint pour ne pas régurgiter de nouveau.
“ C… Cory… “
La voix faible de sa soeur la ramena à la réalité. Mettant son écoeurement de coté, elle s’avança vers sa jumelle. Iris était assise par terre et recroquevillée sur elle même, tenant sa main blessée. La blessure n’était pas trop profonde mais la fillette semblait totalement traumatisée. Pour la première fois de sa vie, Corydalis vit sa soeur déboussolée et effrayée comme un petit animal. Cette vision plus que sa blessure la convainquit qu’il fallait qu’elles sortent d’ici au plus vite. Elle courut vers le manteau de son père et fouilla dans les poches jusqu’à dénicher un autre jeu de clé. Puis elle courut dans la chambre en prenant soin de ne pas regarder le corps de son père et attrapa ses vêtements ainsi que ceux de sa soeur, sans oublier sa casquette et ses lunettes d’aviateur.
Quelques minutes plus tard, les jumelles sortaient de l’immeuble en hâte, Cory soutenant Iris qui tenait toujours sa main en pleurant doucement.
La cadette des jumelles parcouru les alentours des yeux. Personne. Évidement, il n'était pas encore 7h30, le couvre-feu était toujours en place. Sans se décourager, elle entraîna sa soeur à travers les rues de Paris, cherchant la moindre source d’aide. Pendant plus d’une demi-heure ses recherches furent vaines.
Mais finalement au détour d’une rue, elle aperçu enfin les silhouettes de deux hommes qui discutaient devant la porte arrière d’un bâtiment.
“ Eh ! Aidez moi ! Ma soeur est blessée ! “
Les deux inconnus se stoppèrent dans leur discussion en entendant sa voix et regardèrent dans sa direction. L'apercevant ils s’approchèrent d’un pas rapide.
Cory les détailla lorsqu’ils furent à quelques pas. Ils étaient de bonne carrure et portaient des vêtements sombres. L’un d’eux avait un revolver à la ceinture et l’autre portait une sorte de barre de métal attachée dans le dos. Ils n’avaient pas l’air commodes mais la fillette s’en fichait pour le moment, tout ce qui comptait pour elle était d’aider sa soeur.
L’homme qui portait le revolver et semblait le plus costaud des deux s’accroupi devant Iris et examina sa main pendant que le second s’adressait à Corydalis.
“ Comment tu t'appelles petite ? Tu viens d’où comme ça ? “
“ Corydalis Rozanov et ma soeur c’est Iris, on vient du sud du quartier résidentiel. On nous a attaqué chez nous. “
“ Et pas n’importe qui.” répliqua alors l’autre homme. “ Cette gamine est infectée ! “
Il se releva alors et tira son revolver de sa ceinture pour le pointer sur Iris qui le regardait d’un air vague. Elle était plus pâle qu’auparavant et respirait de plus en plus difficilement.
Voyant sa soeur menacée, Corydalis se précipita entre elle et son agresseur en écartant les bras.
“ Dégage fillette ! Ta soeur est une contaminée, on ne peut plus rien pour elle maintenant. ”
“ Ne la touchez pas ublyudok ! “
Le concerné grogna, ne comprenant pas l’insulte mais devinant le sens par le ton de la fillette qui lui faisait face. D’un geste vif, il attrapa Corydalis par le bras et la jeta sans peine sur le coté, en plein dans un tas de sacs poubelles.
“ C’est pour ça que je déteste les gosses, ils sont vraiment trop chiants. ” dit il en braquant de nouveau l’arme à feu sur sa cible.
“ Désolée fillette. “ ajouta son comparse “ Mais ta soeur va bientôt se transformer en l’un d’eux et devenir dangereuse. On ne peut pas permettre ça. C’est notre rôle à nous les Katars de purifier cette ville des contaminés. ”
Corydalis senti de nouveau la rage monter en elle.
Elle attrapa alors une planche de bois qui se trouvait devant elle et se remit sur ses pieds. Dans un mouvement rapide, elle revint au niveau de l’homme qui menaçait sa soeur et le frappa entre les cuisses avec son arme de fortune en remontant de toute ses force par le bas. La victime se roula au sol en se tenant l’entre-jambe émettant un couinement étouffé de souris écrasée. Son compagnon réagit aussitôt et sorti l’arme qu’il avait dans le dos. Mais Cory fut plus rapide et d’un geste elle fendit l’air avec le couteau qu’elle tenait dans l’autre main, touchant la jambe de son adversaire. La plaie qu’elle y ouvrit fit chuter l’homme à terre à coté de son comparse.
Sans attendre qu’ils se remettent, Corydalis retourna soutenir sa soeur et s’enfuit de nouveau avec elle. Les jumelles coururent aussi vite qu’elles le pouvaient jusqu’à ce qu’elles s’écroulent de fatigue dans une ruelle sombre au pied d’un immeuble abandonné. Il leur fallut plusieurs minutes pour reprendre leur souffle. Puis Iris parvint à articuler :
“Co… ry… Ils... ont raison… “
La fillette releva les yeux vers sa soeur blessée. Jamais elle ne l’avait vu aussi pâle et des cernes marquaient ses yeux. Elle semblait fiévreuse. Corydalis n’en revenait pas, comment une simple petite morsure pouvait avoir autant d’effet ?
“ Ils ont… raison. reprit Iris. Je le sens… Je le sens en… moi… C’est en train de me transformer… “
“ On va te soigner ! On va trouver quelqu’un qui va te guérir, ne t’inquiète pas ! “
La fillette malade hocha négativement la tête.
“ Non… Personne n’a de… médicament pour ça… Je vais devenir… une contaminée… Il faut que tu m’aides à mourir avant… “
“ NON ! hurla sa soeur. Jamais je te laisserais mourir ! Je vais te soigner ! “
“ Cory… Pitié… Je… veux pas devenir… comme eux… “
Corydalis regarda sa soeur. Celle ci était en larmes et le désespoir se lisait dans son regard. Les larmes montèrent aussi aux yeux de la cadette.
“ Ne me laisse pas Iris… Je vais pas y arriver sans toi... ”
Sa soeur eu un petit sourire et posa sa main sur son épaule.
“ Eh Cory, tu as peur du noir ? “
“ Du… du noir ?... “
“ Oui, tu en as... toujours eu peur… La nuit… tu te serrais contre moi... pour t’endormir… “
En larmes, Corydalis hocha la tête.
“ Mais… Tu sais quoi ?... Moi aussi j’ai… peur du noir… “
Iris fit un léger sourire amusée à sa soeur.
“ Le tout… c’est pas de pas avoir peur… Il faut juste apprendre… à faire semblant de pas avoir peur… “
Corydalis regarda sa soeur, puis elle éclata en sanglot et les jumelles se jetèrent dans les bras l’une de l’autre.
Quelques minutes plus tard, les deux soeurs arrivèrent sur le toit de l’immeuble abandonné devant lequel elles s’étaient arrêtées. Le soleil du matin donnait à la ville de Paris des couleurs orangées. Les jumelles montèrent sur le rebord et s’assirent dessus, les jambes dans le vide. D’un même regard, elles observèrent l’horizon et les bâtiment de la ville. Iris fut la première à parler.
“ C’est vraiment… une belle ville… “
Corydalis hocha la tête, ne sachant que répondre. Sa soeur attrapa alors son collier et le retira. Puis elle le lui tendit.
“ Garde aussi mon couteau Cory… C’est l’héritage de notre… famille… Il faut que… tu continus à vivre… Pour papa et maman… Pour moi… “
Corydalis ravala un sanglot, le visage inondé de larmes et attrapa le collier, la main tremblante comme une feuille. Puis les jumelles s'étreignirent.
“ Je t’aime Iris. “ pleura Corydalis la voix chevrotante.
“ Je t’aime aussi Cory... Je serais toujours avec toi… “
Elle se libéra doucement de l’étreinte puis ajouta dans un souffle :
“ Tu te souviens de... notre chanson préférée... que nous chantait toujours papa ?... Tu vas la chanter... jusqu’au bout... Puis tu partiras d’ici.... D’accord ?...
Incapable de parler, Corydalis hocha lentement la tête. Puis sous les recommandations de sa soeur, elle ferma les yeux et se mit à chanter. Sa voix résonna dans le rue.
Puis soudain, elle sentit que quelque chose de terrible se passait. Un lien dans son coeur se brisa. Son esprit se fissura soudain ouvrant les portes à la folie et, alors que la présence de sa soeur disparaissait, elle se mit à hurler au ciel…
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“... Et bien Corydalis, je crois que ce sera tout pour aujourd’hui. conclu le psychologue en essuyant ses lunettes. Si un jour tu te sens prête à parler enfin de ton passé, n’hésites pas à venir me voir de toi même. “
Corydalis haussa les épaules.
Comme d’habitude elle s'était contenté de faire les exercices que lui proposait l’homme aux lunettes, sans trop parler. Elle ne voyait pas vraiment le but de ces séances répétées. Elle n’avait tout simplement pas envie de parler à cet homme qu’elle connaissait à peine.
Depuis deux ans maintenant qu’elle avait été recueillie par les Ölokoges, elle n’avait jamais rien tiré de ces visites chez le psychologue si ce n’est un ennui profond. D’autant plus que le drame de sa famille n’avait pas de secret pour le docteur, alors pourquoi lui demander de revivre ça encore ?
Mais bon, depuis que les Ölokoges l’avaient trouvée épuisée, effondrée et mentalement brisée devant leur réserve du quartier administratif et que, pris de pitié, ils l’avaient recueillie, sa santé mentale semblait leur tenir à coeur. Alors Corydalis encaissait ces séances sans se plaindre, trop reconnaissante envers ses bienfaiteurs pour les contrarier. Après tout, ils l’avaient accueillie, lui avait fait une place parmi eux et donné un enseignement botanique et scientifique digne de ce nom. Bref, ils lui avaient offert une seconde famille et une nouvelle vie.
Elle se leva et s’avança vers la porte du bureau. Mais avant qu’elle parte, Eric lui demanda :
“ Oh, une dernière chose tout de même. On m’a parlé de ta phobie du noir et des cauchemars que tu fais la nuit. Es tu sûre de ne pas vouloir discuter un peu de tes peurs ? “
La fillette marqua un temps de silence, la main sur la poignée. Puis elle tourna les yeux vers le psychologue et répondit :
“ Le tout c’est pas de pas avoir peur. Il faut juste apprendre à faire semblant de pas avoir peur ”
Sur ces paroles plutôt énigmatiques, elle sortit de la pièce, laissant le docteur indécis.